En remerciement aux artistes. Oyez public chéri, gentlemen's et ladies, ce soir la Compagnie Shen Yun est à Paris. Au creux de mon fauteuil du Palais des Congrès, je jette un bref coup d'oeil au programme en livret. Plongées dans la pénombre , les perspectives sombres font deviner les ombres des musiciens en nombre. Sous le manteau de scène, ils règlent leurs violons à hauteur homogène, les sons à l'unisson. Alors laissons les sons tinter à nos oreilles nous donner des frissons teinter les mises en scène. Venez, je vous invite à partager la suite, en quelques lignes d'encre de chine enduites. Au fond, le mur de scène hérissé de montagnes respire la vie saine; le bien-être me gagne. Au coeur de cet écrin de lacs et de rivières, se marient le Divin, le Ciel et puis la Terre. Soudain, côté jardin, sortis des pendillons, jaillissent en satin des sortes d'apollons. De l'art dans un décor nourrit de traditions, Léopard justaucorps, puissants comme le lion. Dans un puits de lumière, à l'aplomb du rideau, la grâce et la manière introduisent en duo les différents tableaux d'aujourd'hui et d'hier, un véritable écho à plusieurs millénaires. Les portraits forment un book sur plusieurs dynasties où chacun porte un look des scènes de la vie. Le style kimono, des boutons mandarins, Qipao col Mao, fil de soie organsin. L'oeuvre a du caractère, dans ses pleins, ses déliés. A chaque caractère des images sont liées. Appuyer sur le trait de la calligraphie, c'est ourler les attraits de la chorégraphie. Quand le plateau s'embrase sous le feu des danseuses, moi je reste en extase par le jeu des meneuses, l'assurance et l'audace, l'élégance et la classe, les nuances et la grâce, et l'aisance dans la trace. Instants de poésie dans les nuages blancs, l'histoire en harmonie de la dynastie Han, sous la voûte des cieux, la route de la soie, Confucius, Lao Tseu, la pensée et la Voie. Quand l'harmonie des corps vous emmène en voyage, au pays de la flore où fleurent l'amour-en-cage, les senteurs du cachemire, de l'encens, de la myrrhe, la danse est un sourire, un philtre, un élixir. Je me rappelle enfant, sur les bancs de l'école, de l'élève écoutant Ravel et la Mère l'Oye. Aujourd'hui je comprends et le prends la mesure de tout l'attachement des tons dans l'écriture. En mode occidental, sept notes font la gamme, échelles et intervalles pour élever les âmes. Dans le monde oriental, cinq notes sur les feintes restent un cérémonial des cinq premières quintes. L'influence croisée des gamberges musicales, confluence brassée d'où émerge ce graal, crée des sonorités à la clé en portée, des notes transposées, mon âme transportée. Je suis au firmament, j'entends le gamelan la voix des instruments et leurs scintillements, les bois, les percussions, les phénix les dragons, la harpe et le violon, les anges au mirliton. Le solo de l'Erhu, ventre en peau de serpent, véritable bijou sous l'archet envoûtant. Vient encore le pipa, quatre cordes pincées, accords La-Mi-Ré-La, pluriel et singulier. Dans ces décors magiques, de la dynastie Qing, concentré féérique de talents, de feeling, entre danse et passion, je suis en immersion. Au creux de mon cocon, de soie et de coton, le lointain se dessine, l'illusion est réelle. La magie me fascine, l'alchimie se révèle, par le jeu des lumières, la vibration des anches, l'effet spectaculaire des mouvements de manches. Elles tracent en souplesse des sortes d'arabesques et racontent la liesse qui font les jolies fresques. Dans le décor virtuel où les sauts s'évaporent, la précision s'appelle métronome à ressort. Les arts tissent la toile d'un monde en extérieur, quand les artistes étoiles , dans leur for-intérieur transmettent avec ardeur, dans la simplicité, ce qu'ils ont dans le coeur: la générosité. Vous m'avez embarqué, au pays des lettrés. Je me suis imprégné des courants de pensée. Je suis à fleur de peau, le rideau va tomber, mon âme au fil de l'eau, au lotus s'éveiller.
LUC HUBELE, avril 2024